Une liberté d’expression acceptable pour tous

Le siège de la CEDH, à Strasbourg.

En matière d'expression publique, trois événements sans lien apparent sont venus clore l'année 2013, dessinant les tendances lourdes de l'incohérence du gouvernement actuel.

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Le premier, sur lequel je souhaite obtenir des explications officielles, est la profanation de l'église de la Madeleine à Paris par le mouvement Femen importé d'Ukraine et se revendiquant féministe. Voilà que quelques jours avant Noël, une femme membre du mouvement s'immisce dans une messe, poitrine dénudée, mimant un avortement sur l'autel avec un morceau de viande à la main, dans l'objectif de faire « annuler Noël », insultant de ce fait des millions de chrétiens, dans l'indifférence générale et un silence politico-médiatique assourdissant.

INTERDIRE LES SPECTACLES

Quelques jours plus tard, le ministre de l'intérieur annonce son intention de faire interdire les spectacles du très controversé Dieudonné par voie de circulaire au nom des limites à la liberté d'expression. Le maire de Marseille demande également, à juste titre, à la préfecture l'annulation du spectacle de Dieudonné au Silo.

Au nom de la liberté d'expression la plus effrénée, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) rend, à la mi-décembre 2013, un arrêt alarmant sur l'absence de « besoin social impérieux » de condamner le négationnisme du génocide des Arméniens. Tous les génocides, y compris ceux reconnus par la loi, ne seraient donc pas égaux selon la CEDH qui organise ainsi la concurrence des mémoires.

Entre ces trois événements, où est la cohérence en matière de liberté d'expression ? C'est qu'à l'heure actuelle, la cohérence n'est plus un critère de l'action gouvernementale. Qui décide aujourd'hui de l'admissibilité de l'expression publique et des limites à sa liberté ? Le législateur vote la loi, conformément à son mandat.

Le Conseil constitutionnel la valide ou l'invalide, conformément à sa mission. Le juge l'interprète et l'applique selon une époque donnée, conformément à sa fonction créatrice de jurisprudence. Et aujourd'hui, l'exécutif l'instrumentalise. Il pioche ce qui l'intéresse, sans aucune vision d'avenir et en mettant en danger sa légitimité.

Avec ses effets d'annonce, Manuel Valls joue un jeu dangereux, cherchant l'opération de communication à tout prix, en véritable consommateur médiatique. Au regard de la jurisprudence actuelle de la CEDH, extrêmement protectrice de la liberté d'expression, la bataille juridique qui s'engage risque soit d'être courte et décevante, si le juge administratif donne raison à Dieudonné – qui contestera sans doute chacun des arrêtés municipaux qui interdiront son spectacle –, soit longue et dangereuse car le juge de Strasbourg pourrait un jour rendre un « arrêt Dieudonné » dramatique.

L'AMPLEUR DES CONSÉQUENCES JURIDIQUES

Pour l'heure, M. Valls semble ne pas mesurer l'ampleur des conséquences juridiques pouvant découler de sa circulaire, mais la publicité prime aujourd'hui sur l'efficacité, la justice et la morale. Les limites à la liberté d'expression sont déjà fixées par la loi de 1881 ; la circulaire Valls n'est qu'un dangereux coup médiatique surabondant.

Il est par ailleurs étonnant de constater que les nombreuses sanctions pénales et fiscales prises à l'encontre de Dieudonné ne soient pas appliquées. Peut-être qu'avant de brandir une nouvelle circulaire, le gouvernement devrait d'abord se préoccuper de faire appliquer les lois qui existent dans notre pays. Pourquoi ne pas simplement y avoir recours plutôt que de s'adonner au matraquage médiatique ?

Cela étant, pour le gouvernement actuel, la réussite ou l'échec n'est plus un paramètre : seul compte l'impact immédiat sur l'opinion publique. Le spectacle d'un pseudo-humoriste qui fait de l'antisémitisme un fonds de commerce mobilise ; l'expression outrancière et haineuse des activistes Femen et leur intrusion dans un lieu de culte conduisant à un dépôt de plainte de la paroisse de la Madeleine ne suscitent paradoxalement aucune réaction de sa part.

Encore une fois, le deux poids deux mesures qui caractérise l'action du gouvernement actuel sur bien des sujets n'est pas acceptable et choque profondément. Si ces méthodes laissent indifférents les médias et une grande partie de la classe politique, nombreux sont nos concitoyens qui sont scandalisés et expriment leur mécontentement.

Il ne s'agit pas de tout autoriser ou de tout interdire. La liberté d'expression, comme ses limites, doivent être protégées. La liberté ne s'affranchit pas de la légalité et il appartient au gouvernement de prendre ses responsabilités en autorisant, s'il en est besoin, la représentation nationale à fixer le cadre et les limites de la liberté d'expression. Celle-ci est relative et non absolue et doit respecter les croyances et la mémoire des victimes.

LE CHOIX FONCTION DE  L'IMPACT MÉDIATIQUE

Le problème réside dans le fait que le choix de l'expression acceptable s'opère désormais en fonction de l'impact médiatique. Hélas, dans cette démarche démagogique, le juge n'est pas tout à fait innocent. Celui de Strasbourg a ainsi cru comprendre que nier le génocide des Arméniens n'avait aucune conséquence, ce qui revient à cautionner une autorisation de causer de la douleur aux victimes. Et là aussi, ni le gouvernement ni même François Hollande, qui s'étaient pourtant engagés à punir la contestation de ce génocide, ne s'en sont émus. Pas un mot !

Une seule question doit se poser : qui décide de l'expression publique et de ce qu'il est acceptable de dire ou de ne pas dire ? Est-ce l'intérêt immédiat du politique ? Le gouvernement actuel est un consommateur de communication qui n'a aucun problème à afficher son incohérence, jusqu'à ce que les tweets atteignent le seuil d'alarme ou que les réactions de la population le contraignent.

Ce management attentiste, qui manque cruellement de personnalité et de conviction, n'est que le miroir de la perte de repères dans laquelle s'engouffre la France actuelle.

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Via: lemonde.fr


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