Viktor Sviatski, un manipulateur dans l’ombre des Femen

La nouvelle va faire plaisir aux détracteurs, très nombreux, des Femen. Dans le documentaire L’Ukraine n’est pas un bordel, présenté ce mercredi à la Mostra de Venise, la réalisatrice australienne Kitty Green révèle qu'un homme a joué, ou joue même encore, un rôle trouble dans l'organisation du mouvement féministe.

Selon le journal britannique The Independent, qui a pu voir le film, ce Viktor Sviatski a participé à la création du mouvement. Dans le documentaire, il critique ouvertement les militantes qu'ils trouvent «faibles». «Il était vraiment horrible avec les filles. Il leur criait dessus et les traitait de putes», raconte Kitty Green. La réalisatrice a suivi les activistes pendant plus d'un an et a couvert une centaine d'actions en 2011 et 2012. Elle a elle-même été capturée en Biélorussie par les services de sécurité lors d'une de ces agitprops. 

«Combien les hommes peuvent être des bâtards»

Viktor Sviatski lui n'était pas totalement inconnu des médias. Il avait déjà été cité dans un article du Monde et des questions sur son rôle exact de «consultant» revenaient régulièrement. Mais, jamais, avant ce documentaire, il n'était apparu qu'il tenait une position centrale. «Une fois que j’ai été vraiment à l’intérieur, je n'ai pas pu l’ignorer : il est Femen», juge Kitty Green. Jusque-là, les Femen avaient toujours déclaré que leur mouvement avait été créé par des femmes, pour des femmes. Elles critiquaient vigoureusement les sceptiques qui estimaient que ce n'était pas possible. 

Loin de nier, ils semblent qu'elles aient décider d'assumer cet état de fait. Elles sont ainsi venues à la présentation du film. Viktor Sviatski «nous a donné la possibilité de comprendre ce que fait le système patriarcal : les femmes sont esclaves du sexe, la violence est exercée contre elles dans les foyers. Il nous a fait comprendre aussi combien les hommes peuvent être des bâtards», se défend la désormais leader de l'organisation Inna Shevchenko. 

La militante a admis qu'elles avaient dû se défaire de «l’emprise» de cet homme, officiellement sorti du mouvement depuis. Une emprise telle qu’une d'entre elles parle de «syndrome de Stockholm», rapporte The Independent.  A Libération, Inna Shevchenko précise que «Viktor Sviatski n'a pas fondé Femen, c'était un ami d'Anna Hutsol [la fondatrice, ndlr] mais c'est vrai : il est entré dans le mouvement et a commencé à prendre de plus en plus de place». «Nous venons d'Ukraine, un pays très patriarcal, nous ne savions pas comment lui résister, nous n'avions jamais appris.» Selon elle, cette présence est l'une des raisons qui l'a poussée à quitter Kyiv. «Depuis que je suis à Paris, j'ai pu construire le vrai Femen, c'est devenue une organisation internationale, et Sviatski n'a aucune influence sur toutes les actions que nous avons faites», se défend-elle.

«Depuis un an que je les ai rejointes, je n'ai jamais vu Inna lui parler ou l'évoquer», raconte Marguerite Stern, l'une des activistes emprisonnées en juin en Tunisie, contactée par Libération. «J'ai découvert seulement son existence il y a quelques jours quand Inna nous en a parlé. Pour nous, qu'une structure patriarcale se soit insérée dans Femen, ça a été un peu difficile à apprendre», avoue-t-elle. Mais assure : «Femen s'en est libérée, je vois comment ça se passe aujourd'hui».

«C’est le meilleur ami d’Anna Hutsol»

Une totale libération qui interroge tout de même. Cet été, les féministes ont largement diffusé la photo du visage tuméfié de Viktor Sviatski après qu'il a été agressé, en août, à Kyiv (photo Femen). «C'est le meilleur ami d'Anna Hutsol, même s'il ne fait plus partie des Femen, il en a été membre, il faut assumer», tente d'expliquer Marguerite. 

Entre l'incendie d'une partie de leur centre à Paris, les diverses agressions, les perquisitions de la police en Ukraine, la fermeture de leur bureau à Kyiv et le départ de la Tunisienne Amina, l'été des Femen avait déjà été agité. Avec ces nouvelles révélations, elles vivent une grave crise de crédibilité. La question de la continuité du mouvement va peut-être finir par se poser. 

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Via: liberation.fr


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