FEMMES - Vous souvenez-vous comment Arnolphe -dans l'Ecole des Femmes- s'adressait à sa jeune fiancée?
Votre sexe n'est là que pour la dépendance
Du côté de la barbe est la toute-puissance.
Faut-il le rappeler, ce protagoniste n'a pas le beau rôle. Les paroles que Molière met dans la bouche de son personnage sont si excessives, les positions de celui-ci si radicales, qu'il est moqué par le public du début à la fin de la pièce. Ecoutons-le encore:
Bien qu'on soit deux moitiés de la société,
Ces deux moitiés pourtant n'ont point d'égalité;
Cette comédie a été créée en 1662 sur la scène du Palais-Royal. Soit il y a plus de trois siècles. Aujourd'hui, le discours qu'Arnolphe y tenait résonne pourtant en France chaque semaine. Seule différence: des imams radicaux ont pris la place du personnage du théâtre comique. Mais les prêcheurs salafistes ne prêtent pas à rire. Il ne s'agit pas pour eux d'interpréter une farce qui s'achèvera par la déroute de celui qui affirme, en prose, ce qu'Arnolphe disait en vers:
L'une est moitié suprême, et l'autre subalterne
L'une en tout est soumise à l'autre, qui gouverne
Où est Molière aujourd'hui? On le rencontre ici et là sous plusieurs visages. Celui d'Elizabeth Badinter bien sûr, ou celui de Céline Pina que nous avons vue récemment dénoncer, avec un courage et une dignité exemplaires, les propos de prédicateurs qui s'interrogeaient sur la pertinence de battre leur femme. Il y a aussi les Femen, toujours promptes à réagir quand la situation l'exige. Des femmes donc. Le combat pour la dignité de celles-ci n'est pourtant pas une querelle de clocher. Alors que des prêcheurs obscurantistes, toujours plus nombreux, répètent à l'envi que la femme est impure, qu'elle porte en elle le péché, pourquoi il y a-t-il si peu d'hommes pour réagir ? Si, dans la langue française, la liberté, l'égalité, sont du genre féminin, ces principes n'ont pas de sexe pour autant. Défendre la place et l'intégrité physique des femmes, c'est défendre l'humanité tout entière.
Messieurs, ne laissons pas ce combat-là aux bras de nos seules compagnes. Aucun de nous ne s'avilira en participant à des coups d'éclat pour protéger la dignité des mères, des épouses, des filles. Nous n'en serons que plus virils, plus courageux, plus humains. Plus forts surtout, à condition de prendre le temps d'expliquer, comme Nietzsche a tenté de le faire en son temps, que la force n'a jamais été synonyme de domination.
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