Amina Sboui : "Je ne suis pas folle, je suis engagée"

Cheveux rasés, regard noir déterminé, rouge à lèvres rouge vif… Amina Sboui, sulfureuse féministe, assise telle une reine dans un somptueux fauteuil en cuir au milieu d’un squat désaffecté,
ne mâche pas ses mots : "Tu crois, quoi ? Je suis habituée, c’est mon septième procès. La nouveauté, c’est que je suis coupable de ce dont on m’accuse. Ça change !", ironise-t-elle dans un sourire, une cigarette entre les lèvres.

Sans vaciller d’un iota, la jeune Tunisienne de 19 ans prend ses responsabilités. Elle assume le fait d’avoir inventé une violente agression, soi-disant par cinq islamistes, et de s’être elle-même rasée, début juillet, cheveux et sourcils. "Oui, j’ai menti, mais en m’inspirant de la réalité. Je reçois trois menaces de mort par jour, je me fais parfois insulter dans la rue, les barbus étant mes ennemis. Face à eux, je suis seule. Mon mensonge aurait pu être vrai", confie-t-elle songeuse.

Serait-ce pour cette raison que le verdict du tribunal, rendu le 8 octobre, est très léger ? Une amende avec sursis de 1 500 euros. Il semblerait qu’à travers son affabulation, Amina ait eu besoin de formuler de réelles craintes afin qu’on s’intéresse à son nouveau quotidien, loin de son glorieux militantisme dans son pays natal. Le célèbre symbole aux seins nus de la lutte contre la dictature tunisienne, autrefois emprisonné et torturé, serait devenu, en un an, une simple étudiante en terminale littéraire, bientôt sans papiers, vivant comme une exilée dans un squat parisien, avec 500 euros par mois (une bourse d’ Amnesty International), "obligée de voler pour manger, de mentir pour alerter".

Bientôt en Afghanistan...

Un courant d’air frais parcourt la pièce, Amina demeure silencieuse et, tout à coup, son jeune âge saute aux yeux. Sa fragilité aussi. Sans prononcer un mot, uniquement par la force de ses traits, il est possible de deviner son militantisme viscéral, dû à une oppression personnelle. "Je suis née en Tunisie mais j’ai grandi, de 9 à 13 ans, en Arabie saoudite. Je me souviens du calvaire subi par les femmes à cause des islamistes et je ne voulais pas que les Tunisiennes connaissent ça, alors j’ai milité seins nus contre eux. On m’a traitée de folle", livre la jeune activiste.

Elle ajoute d’une voix ferme : "Je ne suis pas folle, je suis engagée. Je compte faire une action choc dans un pays d’Asie de l’Est, opprimé et fermé, puis en Afghanistan. Si je m’en sors vivante, j’ai deux projets : ouvrir un local en France pour défendre la liberté, la laïcité, le droit des femmes, puis un centre qui reçoit les femmes sortant de prison, en Tunisie." Martin Pradel, l’avocat d’Amina Sboui, qui la suit depuis ses débuts en Tunisie, confirme que "son militantisme radical" repose "sur des constats entièrement factuels". Il ajoute : "Elle n’a même pas 20 ans, mais elle a vécu et vit des choses difficiles : l’injustice, la prison, le rejet, la séquestration par sa famille, le déracinement pour sa protection, l’isolement, le manque de ses proches, de nombreux déménagements, des problèmes administratifs pour le renouvellement de son visa… Malgré tout, c’est une femme sensée qui tient le coup et qui trouve des solutions.

Autre touche positive : "Lors du procès, Amina a été soutenue par son lycée, à travers la présence de sa prof principale, madame Sliman. Celle-ci a écrit une lettre pour la défendre, elle souhaitait même témoigner", se réjouit Martin Pradel.

... Ou en Bretagne

Amina Sboui ne fait pas l’unanimité dans la presse, ni au sein de son entourage, d’ailleurs. La réalisatrice franco-tunisienne Nadia El Fani ne sait plus quoi penser de la jeune femme qu’elle a aidée dès le premier jour : création d’un comité de soutien quand elle était en prison, aide pour obtenir son visa français, hébergement et inscription dans un lycée.

"Elle a fait de grandes choses pour la Tunisie, oui ! Mais là, elle ment encore. Elle est entourée : une tante en Bretagne, un oncle en banlieue, des parents et des amis qui lui prêtent de l’argent… Sa bourse de 500 euros, c’est un bonus ! Il est indécent qu’elle se plaigne, son comportement est lamentable", s’indigne-t-elle avant de donner le coup de grâce : "Qu’elle rentre à Tunis ou qu’elle prenne exemple sur Malala ! (1)"

(1) Jeune militante de 17 ans des droits des femmes pakistanaises, prix Nobel de la paix en 2014.

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Via: grazia.fr


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