Haro sur les Femen : on est toujours le faux-féminisme de quelqu’un

Femen à Paris, place Vendôme le 15 octobre 2012 (GELEBART/20 MINUTES/SIPA)

Les Femen à Paris, place Vendôme le 15 octobre 2012 (GELEBART/20 MINUTES/SIPA)


À l'instar des sapins morts jaillissant, avec ou sans leur sac caritatif officiel, sur les trottoirs de nos villes et campagnes peu après la Noël, il est un élément de notre vie publique qui jouit d'une constance calendaire quasiment aussi parfaite : la controverse du faux-féminisme.

 

Si l'objet du débat peut fluctuer, le cœur de la polémique, lui, reste aussi identique que régulier : il y a des gens/des associations/des mouvements qui se prétendent féministes et qui, en réalité, ne le sont pas, qui, en réalité, causent bien plus de tort à la cause des femmes qu'ils ne lui font du bien.

 

Parfois, même, la sauce monte suffisamment haut pour qu'on accuse ces gens/associations/mouvements de faire le lit de ce satané patriarcat que tout féminisme d’appellation et d'origine contrôlée se doit de combattre.

 

Le monopole médiatique des Femen

 

Ces derniers temps, la querelle semble se fixer sur les Femen, ce groupe venu d'Ukraine et qui doit sa récente célébrité à diverses actions "nibards à l'air", que ce soit pour s'en prendre à Dominique Strauss-Kahn lors de son retour en France après l'affaire du Sofitel, pour soutenir les Pussy Riot en tronçonnant des croix, ou encore en contre-manifestant en faveur du mariage gay et en perdant quelques dents au passage.

 

Le premier ingrédient de toute bonne polémique de faux-féminisme qui se respecte – et peut-être le plus fondamental – concerne l'accusation de monopole médiatique. Les Femen, on les voit partout, on les voit trop, elles prennent la place de, c'est pas juste, bouh. Et pourquoi attirent-elles autant l'attention médiatique ? Parce qu'elles en ont compris les codes (voire le code : N I C H O N) et qu'en respectant le système, le système leur déroule le tapis rouge. Traîtrise, connivence, ignominie.

 

Cette ligne d'attaque est d'ailleurs loin d'être exclusive aux problématiques féministes : le documentaire "Les nouveaux chiens de garde", dénonçant les collusions entre "bons clients" et puissances industrialo-financières, oppose ainsi ceux qu'on voit "trop" à la télé ou dans la presse, et ceux qui y participent "trop peu". Et c'est d'ailleurs ici, à mon sens, qu'est le fond du problème.

 

Au lieu de proposer une critique du fonctionnement médiatique (pourquoi telle ou telle chose marche/ne marche pas, que signifie que telle ou telle chose marche/ne marche pas, etc., ou même, tiens, soyons fous, pourquoi le système médiatique actuel n'a globalement plus aucun intérêt), on préfère condamner un symptôme, et risquer de tomber dans le syndrome du Calimero cathodique ("mais pourquoi j'y suis pas, moi, à la télé ? Ouin !"). En d'autres termes, on fait porter la faute sur ceux qui jouent (ou semblent jouer) le jeu, et non pas sur le jeu en lui-même, qui est pourtant, logiquement, à l'origine de tous les travers qu'on entend dénoncer....

 

Leur arme militante : la nudité

 

Second élément central du procès en faux-féminisme : le tir contre son camp, la préservation dissimulée du patriarcat et autres accusations de coucherie avec l'ennemi. Les Femen, c'est entendu, se repaissent d'un des points cardinaux du pouvoir masculin, soit l'idée qu'une bonne femme, c'est une femme à poil.

 

En faisant de la nudité leur arme "militante", les Femen ne font que des risettes à leurs oppresseurs et leur syndrome de Stockholm est encore plus voyant que les slogans dont elle se peignent la poitrine.

 

Le souci, ici, c'est que j'aimerais bien qu'on m'explique depuis quand le patriarcat voit d'un bon œil (d'un œil "valorisant") la nudité féminine, en général, et la liberté sexuelle, en particulier, que ce dévoilement de chairs peut sous-entendre.

 

Bien sûr, je peux me tromper, mais il me semble plutôt que la culture patriarcale mette fermement la sexualité féminine sous cloche et réprime, dans un même mouvement, la nudité. Dans ce cas, comment des actes comme ceux de l’Égyptienne Magda Aliaa Elmahdy – qui avait publié ses photos dénudées sur son Twitter et avait préféré quitter son pays pour fuir les menaces et les représailles qui en avaient découlé – pourraient-ils être aussi séditieux ? Comment une société, une culture patriarcale, peut-elle encourager/valoriser la nudité, l'exposition sexuelle des femmes et menacer de mort celles qui se dénudent et s'exposent ?

 

Le temps béni des colonies

 

Enfin, et c'est peut-être là le composant le plus triste de tout le déchaînement actuel anti-Femen : la dénonciation de leur "néo-colonialisme". Les Ukrainiennes à loches apparentes entendraient, non seulement faire le bien d'autrui, mais le faire sur des motifs civilisateurs, comme au temps béni des colonies.

 

De un, je dois admettre avoir beaucoup de mal à comprendre l'argument, vu que la création des Femen s'est faite sur des motifs autochtones – le tourisme sexuel en Ukraine considéré comme un fléau.

 

De deux, j'ai quand même l'impression que ce grief est un moyen bien commode de fermer une discussion bien moins commode sur la situation des droits des femmes post-Printemps Arabe. Soulever le sens interdit du "néo-colonialisme", comme d'autres le font avec l' "islamophobie" tue non seulement le débat, mais étouffe aussi la voix de celles qui luttent, en première ligne, contre de réelles oppressions patriarcales.

 

Certes, on n'a pas à les libérer, elles s'en chargent, mais je ne sais pas s'il est très pertinent de faire comme si elles n'existaient pas en criant au loup du racisme ou du colonialisme mental...

 

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