Inna Shevchenko, dans l’intimité d’une guerrière

La douceur de son regard tranche avec celui qu’on lui connait lors des actions qu’elle organise au nom des Femen. Sa voix est douce, lorsqu’elle ne hurle pas de slogan féministe. Inna Shevchenko nous a reçus au Lavoir Moderne de Paris, le QG de l’organisation, nous ouvrant les portes de son cœur.


Vous êtes née à Kherson, en Ukraine, le 23 juin 1990. Vous êtes très jeune pour être si engagée. D’où vous vient ce trait de caractère?
Les révolutions sont pour les jeunes! Quand vous êtes jeunes, et libres de contraintes telles que les enfants, le travail ou autres choses, c’est le moment de s’engager. Je ne pense pas qu’il y ait besoin de raison particulière pour le faire.

Comment est votre mère?
Elle est très traditionnelle, comme la plupart des Ukrainiennes. Cela signifie qu’elle accepte le modèle patriarcal de la société et d’en faire partie. La femme ukrainienne travaille toute sa vie, 10 heures par jour, et s’occupe de sa famille le soir, cuisinant et faisant les machines.

Que pense-t-elle de votre engagement?
Je pense qu’il y a une chose dont je puisse être fière: c’est qu’en quatre ans d’activisme, j’ai réussi à changer ma mère un petit peu! Elle est devenue un peu plus en colère contre le système.
Mais bien sûr, nous avons connu un certain nombre de disputes, d’incompréhensions. Bien sûr ce fut difficile pour elle de voir sa fille vivre une vie complètement différente de celle qu’elle lui avait imaginée –avec un travail, un mari, des enfants…
Malgré tout, je pense qu’elle me comprend de plus en plus. Aujourd’hui, elle accepte mon choix, bien qu’elle s’inquiète toujours que je me fasse tuer, que j’aille en prison, etc...

 

Inna action

Et votre père?
Il ne s’est jamais clairement prononcé sur mon engagement. Mais depuis le début, il estime que ce sont mes choix. Même s’il ne les approuve pas, même s’il n’aime pas voir sa fille arrêtée, ou en danger. Depuis que je suis jeune, mon père me fait prendre la responsabilité de mes décisions –qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Il m’a appris à être indépendante, finalement.

«Peut-être qu’un jour j’aurai envie d’avoir des enfants»

Quand avez-vous vu vos parents pour la dernière fois?
On ne s’est pas vu pendant un an, car je ne peux pas retourner en Ukraine, mais ils sont venus à Paris trois jours le mois dernier. Ils étaient contents de me voir en vie! Et en forme.

Vous avez une sœur, c’est bien ça?
Oui, elle a cinq ans de plus que moi, et vit à Kherson. Elle vit cette vie classique de femme ukrainienne. Elle s’est mariée quand elle avait 19 ans, elle a eu un enfant à 22 ans, et travaille. Mais elle me soutient.

Souhaitez-vous fonder une famille, un jour?
Je ne sais pas! (rires) Mais je ne l’exclus pas. Peut-être qu’un jour je vivrai avec quelqu’un et que j’aurais envie d’avoir des enfants. Mais je suis contre l’institution de la famille.

Contre le mariage, donc?
Je pense que le mariage n’est pas nécessaire et qu’il fait partie des institutions patriarcales, donc oui, je suis contre.

Je suppose que vous n’avez pas le temps pour un petit ami?
J’ai un petit ami! Ça étonne souvent! (rires) Il vit dans un autre pays et me soutient.

Mais vous trouvez le temps de le voir?
Bien sûr que non! (rires) On se voit… je ne sais pas, peut-être une fois tous les deux mois. Mais ça va! Nous l’avons choisi!

Femen un jour, Femen toujours

Quoiqu’il en soit vous pensez rester engagée avec les Femen au moins quelques années encore?
Bien sûr, mais même si je vis avec quelqu’un ou si j’ai des enfants, je pense que je resterai une Femen. Différemment, sûrement, mais tout de même. Par exemple, il y a deux ans, j’étais une activiste; aujourd’hui je participe à un peu moins d’actions. Mon rôle peut changer (au sein du mouvement), mais je n’en resterais pas moins une.

Envisagez-vous une carrière politique?
Je pense que je suis déjà engagée dans une carrière politique. Nous sommes des activistes politiques. Nous agissons, et faisons entendre notre voix. Nous le faisons juste dans la rue.
Après, est-ce que je me vois un jour dans un gouvernement? Pour l’instant, je pense que cela m’ennuierait! (rires) Mais pourquoi pas, un jour qui sait?

Et vous vouliez être journaliste, avant d’être Femen.
Oui, je l’étais, même. J’avais fini mes études. J’écris toujours, au nom des Femen, pour plusieurs titres –notamment le Huffington Post et le Guardian. Et j’aime écrire! (rires) C’est étrange pour une Femen de dire ça, car nous avons tendance à vouloir ressusciter le féminisme actif, qui a une longue histoire en Europe et notamment en France dans les années 1960-70, plutôt que le féministe passif, qui dominait jusqu’à présent notre époque.

Retrouvez demain la suite de l'interview, dans laquelle Inna Shevcheko raconte la naissance du mouvement Femen, sa délocalisation en France, et revient également sur ce qu'il s'est passé avec Amina Sboui, ou encore sur le mystérieux Viktor Svyatski...

Via: parismatch.com


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The mission of the "FEMEN" movement is to create the most favourable conditions for the young women to join up into a social group with the general idea of the mutual support and social responsibility, helping to reveal the talents of each member of the movement.

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