Mes seins et moi, tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l …

Gorgés de désirs, invitant au plaisir, doux, ronds, opulents, frétillant, généreux, de nacre ou de cuivre, les seins suscitent fantasmes et convoitises.
Cependant, la réalité dernièrement ne les a pas épargnés, et les voilà pris en flagrant délit ..délire ( ?) de réclamation, de protestation comme avec les prothèses PIP ou encore les Femen aux seins dévoilés. Mais au fait quel rôle jouent les seins dans notre société ? Quels sont leurs enjeux et déjouer ces enjeux comporte-t-il un risque ?

paloma casilePlongée dans un bain de décolleté et rencontre avec les membres de l’Observatoire Nivea qui vont décrypter, pour nous, le discours scénique ( ?) des seins.

Gilles Boëtsch (GL) directeur de recherche au CNRS en anthropobiologie,
Bernard Andrieu (BA) professeur en épistémologie et philosophie du corps,
David le Breton (DLB) professeur en sociologie et anthropologie.

Quel est le rôle des seins dans notre société ?
DLB : Il faut d’abord remonter dans nos imaginaires occidentaux. Le sein symbolise la féminité. Et puis surtout, le sein est moins marqué d’interdit que le sexe surtout pour ce qui concerne l’histoire de la peinture ou de la sculpture. Le sein a toujours été associé à la séduction, la tendresse, la douceur, à la beauté du regard. Le sein incarne la femme, la revêt de sa sensualité.
C’est « le lieu » ou imaginaire et réel s’enchevêtrent. Il appelle une attirance dont la femme sait jouer à travers la mise en valeur de son buste en portant, ou non, un soutien-gorge.

Donc, de tout temps, la femme a pu et a su jouer de ses seins ?
DLB : Prenez un exemple : les premières chirurgies esthétiques sur les seins, et surtout l’augmentation de leur volume commencent dès la fin du XIXème siècle. Ces opérations touchaient à l’époque des femmes pour lesquelles le corps est un outil de travail : prostitués, danseuses de charme. Leur objet consiste à sexualiser davantage le corps de la femme en donnant davantage de relief à l’un des lieux les plus investis de son corps pour elle et pour le regard de l’homme.
GB : J’ajouterai que les fesses, le bassin, les hanches ou les seins constituent les caractères sexuels secondaires sur lesquels se construisent les jeux de l’érotisme. D’ailleurs, tout l’art de l’érotisme se construit autour du montré/caché.

En voyant les seins s’afficher partout et sous différentes formes dans notre société actuelle, ne peut-on pas écrire qu’il y a différent type de seins ?
DLB : Oui, prenons l’exemple du sein réel et du sein médiatique. Ce dernier est toujours beau, plein de santé, hors des atteintes du temps. Mais, le sein réel, c’est une autre réalité ! Il obéit aux lois de la pesanteur, à celles de la génétique, de l’anatomie, de la physiologie, de la maladie. Il vieillit, s’abîme, s’affaisse, devient sensible et douloureux avec les règles. Il est bien différent de ce qu’il faudrait qu’il soit selon les critères de la littérature érotique ou des magazines ou encore les normes incarnées par les mannequins ou les stars. Et puis, on pourrait même ajouter qu’il y a le sein, gage de réussite sociale pour les femmes. En Amérique latine, les opérations pour mettre les seins en conformité avec les mensurations officielles de séduction se multiplient. Les jeunes femmes sont convaincues que ces implants vont attirer des maris ou compagnons d’un rang social plus élevé. Un best-seller du colombien Gustavo Bolivar le dit explicitement dans son titre : « sin tetas no hay paraiso ». Et voilà que la séduction devient la seule ressource pour échapper à des conditions sociales d’existence défavorable.

GB : Il est important de noter que le positivisme du XIXème siècle faisait du port du vêtement la marque de la distance avec la nudité animale refoulant au passage dans l’absence de vision du corps nu le désir, l’envie, l’instinct, le plaisir, l’érotisme, la sexualité. Par opposition au corps sagement protégé des regards par les vêtements, le corps dénudé est un corps de provocation ou de remise en cause de l’ordre moral. Pour les chrétiens, apparaissent de grands dilemmes au sujet de l’art religieux où l’on fait figurer la Vierge Marie allaitante. Et puis au-dehors de l’espace sacré des églises, la mise à nu du sein avait une autre signification : les femmes infidèles étaient souvent promenées dans les rues les seins nus de même que les sorcières étaient brûlées les seins dénudés.
Il y a aussi les seins contestataires : prenez la liberté peinte dénudée par Delacroix.

BA : Et puis, récemment, la politisation des seins comme volume de manifestation, le mouvement Femen fondé en 2008 à Kyiv, la revendique avec 300 militantes en organisant des manifestations seins nus pour la promotion des droits des femmes contre la prostitution, le tourisme sexuel… D’ ailleurs la fondatrice Anna Hutsol le souligne, « les gens ne s’intéresseraient pas à notre message si nous n’étions pas habillées de cette façon ».

Sur la plage « a sein nisée », le flasque doit être abandonné, le gros doit être caché, le trop beau doit aller se rhabiller. Mais pourquoi tant de haine ? Est-ce » mal sain »
DLB : Les seins qui ne respectent pas certaines normes de jeunesse ou de forme sont stigmatisés comme le montre Jean Claude Kaufmann (1995). Et « les gros seins » sont « affreux », ou encore comme le mentionne un homme de 58 ans « des vieilles dans les 30-40 ans, feraient mieux de se rhabiller parce que c’est pas beau, ça tombe ». « Les femmes moches n’ont qu’à rester chez elles » dit une autre femme. D’ailleurs Jean Claude Kaufmann nomme au nombre de 3 les seins interdits : le sein tombant, le sein généreux et le sein trop beau . Il explique lors d’un entretien dans la revue Marie Claire que le tombant c’est parce qu’il n’est pas conforme aux critères de beauté définis par la plage, le deuxième et troisième parce qu’ils risquent d’accrocher le regarde, de briser la loi de la banalité. Ils introduits l’érotisme en un lieu où il est officiellement interdit. Le sein autorisé ? Ni trop beau, ni trop gros, moyen, haut et ferme et qui ne bouge pas !….

Comment expliquer cela ?
DLB : Le corps est un écran où projeter un sentiment d’identité toujours remaniable, virtuel, le corps est à se « réapproprier » comme le dit souvent cette expression actuelle. Aujourd’hui les femmes sont l’objet d’un cisèlement méticuleux de leur apparence, comme des sculptures vivantes intégralement retouchées, elles sont amincies par liposuccion, les seins sont remodelés, augmentés, les visages sont lissé. Mais la femme ne peut pas être détachée, elle se doit de rester dans la course.

Trop gros, trop petits, trop moches, trop charnels, trop politisés, trop vieux, trop réel, trop « photosphopés », pas assez vrai, pas assez galbés, pas assez pulpeux..
Et vous, quel est votre sein préféré ? Oui, à quel sein ou dessein souhaiteriez-vous vous vouer ou vous désavouer, vous confier ou défier, caresser ou fustiger ?
Ces deux fruits, gorgés de concupiscence, nourris d’indépendance, serviraient-ils un de vos desserts préférés ?
Ou encore, mon identité authentifiée sous seins..privés ( ?). Parce que je suis de chair et de seins.
Allez aux seins citoyennes ! Levez vos bombes anatomiques. Galbons galbons , sculptons l’impudeur de gorges pigeonnantes et jouons-nous des Monsieur Tartuffe avec leur « couvrez ce sein que je ne saurais voir. Par de pareils objets, les âmes sont blessées, et cela fait venir de coupables pensées. »

Visuel : lingerie Paloma Casile (voir notre article)

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