Je suis Française, née en France de parents Algériens naturalisés français en 1994. Je suis de confession musulmane. Et aujourd'hui, je n'en peux plus. La misogynie et le paternalisme font partie des discours de tout bord, et les musulmans n'ont pas l'apanage du machisme. C'est un appel que je lance aux femmes qui me ressemblent, femmes de confession musulmane, desendantes d'immigrés, je vous demande de vous exprimer en votre nom!
Pourquoi un billet maintenant ?
Les Femen ont interrompu une conférence au Salon musulman qui se tenait à Pontoise samedi dernier. Salon qui a suscité amalgames, hystéries, crispations. Tout à la fois. A l'image du débat en France sur l'islam. On reproche au Salon d'avoir invité des imams qui ont tenu des propos radicaux à l'égard des femmes. Au moment des faits, ces imams ne tenaient pas le discours prétendu par Inna Shevchenko, porte-parole des Femen, à savoir le fait qu'un homme a le droit de battre sa femme. Cependant ils ont eu, plus ou moins récemment, des propos douteux sur la condition de la femme musulmane, obsédés davantage par les (prétendus) devoirs de cette dernière que par ses droits. Mais contrairement à ce qu'on veut nous faire croire, ils sont aussi à l'image de nos sociétés occidentales : des défenseurs du patriarcat et de la domination masculine. Sauf que leur plus grande faute est d'être musulmans. L'opinion est choquée, scandalisée que des propos pareils soient tenus. Mais enfin! Où sont ces gens lorsqu'il s'agit de misogynie ordinaire? Quotidienne? L'indignation est très exigeante mais surtout sélective.
Par ailleurs, le traitement de l'actualité laisse entendre, qu'au vu des origines des deux militantes, le combat, de plus en plus contesté des Femen, est pour le coup légitime. Car après tout, si des Femen maghrébines le font, c'est qu'elles le font au nom de toutes les autres qui se taisent. Et je crois que c'est ça le pire. A-t-on déjà lu, vu, entendu, que les Femen qui avaient perturbé le défilé du Front national étaient Berrichonnes, Yvelinoises ou encore Gersoises? Que veulent-nous dire les médias ? D'oublier que les Femen ne sont en rien représentatives des femmes de notre société ? D'occulter que leur mouvement a des relents de colonialisme ? Que l'on soit clair, je n'ai pas besoin d'un groupe de féministes blanches à tendance islamophobe pour me libérer. C'est pourquoi, lorsque je pointe les défauts du mouvement, on me répond "sauf que là, c'était une Algérienne et une Marocaine". Prise en otage. Mon "oui mais..." ne suffit pas à convaincre mon interlocuteur, je ne fais pas le poids. Et pourtant j'ai des arguments sous le coude. Mais cette petite information de rien du tout n'est en fait pas si innocente que ça. Elle participe à mon discrédit. Au fait que ma voix mettra plus de temps à se faire entendre. Quelle frustration! J'enrage, je trépigne, je pleure. Et puis je vois, une fois de plus, mon doux rêve s'arracher violemment, celui qui me fait espérer que celles et ceux qui ont subi des violences ou des oppressions, se rangeront inévitablement du côté de celles et ceux qui ont subi les mêmes oppressions.
La communauté musulmane est celle à laquelle je suis liée de manière fraternelle et spirituelle, communauté dont je comprends les colères, les ambiguïtés, les déceptions mais aussi les fiertés. Mais qu'on ne m'essentialise pas à mes choix religieux. Je me sens proche de communautés autres que celle-ci. C'est le cas du féminisme, dans lequel je puise une inspiration et une force incroyable mais également, hélas, beaucoup d'amertume. C'est pourquoi je tenais à écrire ce billet, né d'une grande frustration et d'une volonté insoutenable de m'exprimer.
Mesdames, chères soeurs, ne baissons pas les bras, manifestons-nous, ayons confiance en nous et prenons la parole! Nous avons tant de valeurs à défendre! Féminisme, anti-racisme, anti-colonialisme, humanisme, dignité, sans oublier : liberté, égalité, fraternité.
Via: blogs.mediapart.fr
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