«Une action radicale pour dire que tout n'est pas réglé, ce n'est pas nécessairement mauvais.» La sociologue Diane Lamoureux, professeure à l'Université Laval, s'intéresse à la sociologie politique féministe. Pour elle, le mode d'action de Femen au Québec ne pose aucun problème.
Une opinion partagée par la professeure en littérature de l'UQAM et romancière, Martine Delvaux. Elle publiera bientôt un essai féministe dans lequel elle parle notamment du mouvement Femen. «Je suis plutôt favorable à leur militantisme. Je les trouve courageuses parce qu'elles se mettent en péril. Elles sont dénudées et se jettent dans la mêlée.»
«Je trouve que ce geste politique posé par des jeunes femmes est très intéressant», lance dans la même veine, Me Louise Langevin, de l'Université Laval, spécialisée dans le droit des femmes.
«Femen pose une réflexion intéressante sur le corps des femmes et comment il est instrumentalisé. Les seins des femmes peuvent être montrés dans certains endroits et pas dans d'autres. Il y a eu une période où même allaiter était indécent», rappelle l'avocate et enseignante.
À ce chapitre, Mme Delvaux avance que condamner leur geste relève de la misogynie. «On leur reproche d'user de leur corps à des fins politiques alors qu'on se sert de leur corps pour tout autre chose. C'est une hypocrisie grave.»
Cependant, les trois femmes relèvent le même problème dans l'action des militantes : la difficulté de passer de l'image au message.
«Il y a deux choses qui prêtent à controverse : jusqu'où peut-on utiliser son corps pour dénoncer les stéréotypes et est-ce qu'on arrive à faire passer véritablement le message [en se dénudant]», questionne Mme Lamoureux.
Dans ce contexte, la critique que les militantes rencontrent est normale, soutient-elle. «En général, des actions féministes, ça dérange. Elles ne peuvent pas faire passer beaucoup de messages, dit-elle, en faisant référence au slogan généralement écrit sur leur peau. C'est pire que Twitter», ajoute-t-elle.
«Leur discours politique est peut-être maladroit, c'est vrai. Mais elles créent des images fortes qui gênent. Si on décortique cette image, on arrive au message», défend Mme Delvaux.
De la relève
S'il y a un élément réjouissant à retenir, croit Mme Langevin, c'est qu'il y a de la relève pour défendre les droits des femmes. «On trouve souvent que les jeunes sont amorphes. La cause féministe n'est pas morte.»
«J'entends des gens se demander si ce qu'elles font est vraiment nécessaire ici», s'interroge Mme Delvaux. Moi, je dis : "Pourquoi pas?" Au Québec, on pense que tout est réglé. C'est à ce moment que surgissent des chiffres sur la violence conjugale et les abus sexuels. Il n'y a pas trop de féministes», conclut-elle.
Le Soleil a voulu tâter le pouls du Conseil du statut de la femme et de la Fédération des femmes du Québec sur ces questions. Les deux organisations ont refusé notre demande d'entrevue.
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2009
En Ukraine, où le mouvement est né un an plus tôt, première manifestation seins nus contre la pornographie en ligne.
31 octobre 2011
Première action menée en France devant le domicile de Dominique Strauss-Kahn, ex-directeur général du Fonds monétaire international, accusé dans une affaire de proxénétisme.
4 mars 2012
Manifestation à Moscou dans le bureau de vote où Vladimir Poutine a déposé son bulletin.
8 juin 2012
Dénonciation à Varsovie, en Pologne, pour un Euro de football 2012 sans prostitution.
27 octobre 2012
Première manifestation internationale simultanée en France, en Allemagne et au Québec contre la diffusion du catalogue IKEA destiné à l'Arabie Saoudite dans lequel les femmes ont été effacées des photos.
12 février 2013
Des activistes pénètrent dans la cathédrale Notre-Dame de Paris seins nus et couvertes de slogans hostiles à la suite de la renonciation du pape Benoît XVI.
1er octobre 2013
Première action menée par les Femen à Québec au Salon bleu de l'Assemblée nationale pour le retrait du crucifix de la chambre des débats.
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Un extrait du manifeste
«Tout en poursuivant des idéaux du mouvement international FEMEN qui sont de l'ordre de la lutte contre le patriarcat et ses trois principaux visages qui sont l'exploitation sexuelle, les institutions religieuses et les dictatures, l'organisme se donne comme mission de créer une nouvelle forme d'art contemporain qui se nourrit constamment d'une réflexion sociale.»
Source : www.facebook.com/FemenQuebec
Via: lapresse.ca
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