Pétition, polémique, troubles de l’ordre, violences, double plainte et vive animation sur les réseaux sociaux. Le week-end fut agité à Pontoise, près de Paris, où se tenait la troisième édition du Salon musulman du Val d’Oise, dédié cette année à la femme musulmane.
Un Salon précédé d’une pétition sur Change.org pour que la ville s’oppose à cette «manifestation idéologique», comptant parmi ses invités des prédicateurs fondamentalistes, tels que Nader Abou Anas qui justifiait le viol dans une vidéo datée de 2014, mais aussi Mehdi Kabir, imam de la mosquée de Villetaneuse, qui qualifie les femmes coquettes de «fornicatrices» en leur promettant «un châtiment atroce», et encore Abou Houdeyfa, imam de la mosquée de Brest, connu pour ses envolées lyriques en faveur du voile, «commandement divin et prophétique», menaçant les femmes à tête nue de «tourner et retourner dans les feux de l’enfer».
La pétition a recueilli des dizaines de milliers de signatures, en vain. La manifestation étant organisée par une entreprise privée, Isla Events, au Parc des expositions de Pontoise géré par une société commerciale, la préfecture n’était pas en droit d’intervenir, sauf en cas de troubles de l’ordre public.
Et quand il s’agit de perturber, on peut compter sur les Femen. Samedi soir, deux d’entre elles ont fait irruption à la tribune du Salon: «Personne ne me soumet, personne ne me possède, je suis mon propre prophète!», ont-elles crié en arabe et en français, torse nu après avoir enlevé leurs djellabas. Les «deux imams étaient en train de parler de la question de savoir s’il faut battre ou non sa femme», ont-elles déclaré. Version infirmée par l’enregistrement d’un reporter du site Buzzfeed qui montre un Medhi Kabir appelant à «suivre le modèle du prophète, qui ne tapait jamais sa femme et qui ne se faisait pas servir».
Double discours, rétorquent les Femen qui, de toute manière, estiment que «le fait même de rappeler qu’il ne faut pas battre sa femme» est problématique. Lundi, la société Isla Events et plusieurs familles engageaient des poursuites judiciaires pour «exhibition sexuelle» contre les deux activistes, dont la démarche constitue à leurs yeux «un déni de liberté d’expression». Mardi, ce sont les Femen qui portaient plainte «pour violences». Les deux sexactivistes ont en effet été frappées à coups de pied et traitées de «sales putes, il faut les tuer».
Que penser de l’intervention des sexactivistes? Les pétitionnaires sur Change.org regrettent que par leurs excès les Femen offrent une posture victimaire aux prédicateurs et renforcent les convictions de leur auditoire. Mais beaucoup d’internautes louent leur courage et les remercient, en perturbant ainsi l’ordre public, d’obliger les autorités à prendre position.
Plus encore que la présence de prédicateurs salafistes quiétistes – dont les propos sont régulièrement dénoncés – c’est la lâcheté des politiques qui a agité les réseaux sociaux ce week-end. Un texte en particulier a été partagé et «liké» des milliers de fois sur Facebook, celui de la conseillère régionale de Val d’Oise, Céline Pina. Elle y dénonce «l’alliance du communautarisme et du clientélisme» à des fins strictement électorales. «Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux», disait Etienne de La Boétie parlant de la servitude volontaire, et bien selon moi, en France, on en est là… Et c’est dommage car la société rejette profondément ces discours d’un autre âge. Beaucoup de musulmans ont honte de se voir assimilés à ces fondamentalistes, ils attendent une réaction des pouvoirs publics, qui ne vient pas…» La même regrette que la société civile soit renvoyée à une image raciste ou post-colonialiste quand elle exprime sa désapprobation.
Un deuxième texte a circulé sur les réseaux sociaux, celui de Benoît Rayski sur le site Atlantico, qui s’en prend à une lâcheté linguistique, un euphémisme qui tend à tout relativiser: «Pourquoi écrit-on que le Salon musulman de Pontoise est «controversé?» Pour l’historien, «controversé» est un adjectif à la Ponce Pilate qui «a tous les avantages d’une burqa. Il cache tout et évite donc d’avoir à se prononcer sur ce qui est caché».
Au terme de ce week-end, un autre mot a fait surface: le néologisme «padamalgame», cette posture dite d’apaisement qui, à force de prudence, pousse au déni, puis à la caricature, tout en livrant les plus faibles aux plus forts.
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Via: letemps.ch
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